AKUN

Les Torimono d'Akun

Age : 23 ans Profession : Shugenja Caste : Heimin Rang : Moyen Métier : Artisan
Niveau : 1 XP : 10 ON : 10 PdV : 11 CA : 2

Historique :

Rien au monde n'est plus triste qu'une femme qui veut être mère mais à qui cet état de félicité est refusé. Mon père et ma mère étaient sincèrement amoureux lorsqu'ils se marièrent. Ils étaient sans doute les deux plus beaux jeunes gens de tout le village, et les deux familles s'étaient entendues sans difficulté sur le pacte qui les unirait. Le jour de leur mariage fit rayonner le bonheur sur tous les villageois : chacun allait gaiement, le sourire aux lèvres, accomplir sa tâche alors que les deux familles partageaient un repas élaboré.
Ma mère était un couturière réputée, capable de transformer la plus vulgaire étoffe en un vêtement splendide, de broder les motifs les plus complexes sans hésiter, bref ses doigts étaient les plus fins et les plus gracieux que le monde connaîtra jamais. Mon père, lui, était un poète à l'esprit vif et aiguisé, qui voyait au travers des choses comme on regarde au travers de l'eau - il m'a souvent répété qu'il n'était qu'un tisseur de vérité.
Chaque jour, mes parents se répétaient leur amour dans l'intimité des coins ténébreux de leur maison, chaque jour, ils réjouissaient l'âme du village qui les avait vus naître. Chaque jour pendant six ans.
Et puis... la rumeur commença à gronder. Comment se faisait-il qu'un si beau couple, si jeune, n'ait pas encore d'enfant ? Les parents des deux époux les pressaient de se dépêcher - le village se montrait de plus en plus inquisiteur.
Les gens commençaient à dire que ma mère avait été maudite, qu'elle n'était pas capable de donner naissance. De peur que la malédiction ne contamine tout le village, mes parents durent habiter une petite maison dans une forêt proche du village, mais pas trop. On ne venait plus acheter les vêtements que confectionnait ma mère. On avait peur.
Mes parents étaient malheureux. Ils ne désiraient rien de plus qu'un enfant. Parfois, lorsque le chagrin ternissait leur coeur, ils se reprochaient mutuellement d'avoir mené une mauvaise vie dans leur précédente existence - qu'il s'agissait là d'une punition. De plus en plus, la vie leur semblait fade... Leur amour se dégradait.
Ma mère sombra peu à peu dans un état second. Elle allait le matin dans son atelier, et tissait, tissait. Elle ne pensait à rien - mon père pense qu'elle avait déjà perdu son esprit. Sous ses doigts, des motifs étranges prenaient naissance. Chaque nuit, mon père allait regarder la forme que prenait le travail. Il n'osait plus lui parler. Elle ne semblait plus le voir.
Parfois, elle travaillait plusieurs jours en suivant, sans dormir. Peu à peu, une forme féminine apparaissait. Au fur et à mesure qu'elle se dessinait, blanche et noire sur la soie rouge, mon père sentait son propre esprit chavirer. Elle était magnifiquement belle, il se sentait rempli de désir devant cette fresque - désir inassouvi, issu d'une image délirante, un dessin représentant une religieuse bouddhiste.
Et puis, une nuit, mon père entendit comme un craquement dans l'atelier, alors que ma mère dormait à côté de lui. Il se rendit là-bas, et vit que la soie rouge était redevenue vierge. Il sentit une main se poser sur son épaule, se retourna, et vit la religieuse. Lorsqu'il se réveilla, le lendemain, aux côtés de ma mère, il sût qu'il allait avoir un enfant, bientôt.

Neuf mois plus tard, il revint au village avec un bébé dans les bras - mais plus de femme. Il n'a jamais voulu me dire ce qu'elle était devenue. Tout ce que je sais c'est qu'avant de me donner naissance, elle avait perdu toute sa raison - il était forcé de la surveiller nuit et jour pour qu'elle ne mette pas en danger la vie de son bébé. Je suis né le jour du septième anniversaire de mariage de mes parents.

Pendant sept nouvelles années, mon père s'est occupé de moi comme il le pouvait, accomplissant les travaux d'écriture qu'on lui demandait, à la fois écrivain public et poète, parfois simple ouvrier lorsque son travail ne nous permettait plus de vivre. Lorsque j'ai eu sept ans, il m'a raconté dans les grandes lignes leur destin de jeune couple - je n'ai jamais plus parlé de cela avec lui. Parfois il laissait échapper quelques mots sur le sujet, mais je ne voulais pas le plonger dans la tristesse, et je changeais de sujet.

Il m'a initié à son art. Je suis devenu un voyageur, racontant mes histoires (vraies ou fausses) partout où on veut les entendre contre quelques pièces et un repas. Puis, ma réputation commençant à grandir, on a commencé à me demander, on me payait un peu mieux.
Mes bagages étaient légers : un bâton pour me défendre contre les bandits de grand chemin, quelques vêtements fabriqués par ma mère et que mon père m'avait donnés, et du papier afin de noter mes idées comme mon père me l'avait enseigné.
Parfois, je revenais au village, et avec mon père, nous animions les soirées des mêmes gens qui nous avaient crus maudits des années auparavant. Mais mon père n'avait pas de rancune. C'est un homme bon, et intelligent.

Un jour, je fus demandé dans une école de Shugendo. Je racontais quelques-unes de mes histoires devant un public attentif lorsqu'un vieil homme (que je supposais être un Maître) m'interrompit. Il me regarda avec un oeil malin, presque joueur, et me posa des questions sur mes contes, ainsi que sur ma vie. A la fin de cet entretien impromptu, il me proposa d'intégrer son école. Je ne pouvais, bien entendu pas refuser...
Je continue à me rendre dans cette école, parfois, mais je n'ai jamais été un élève très sédentaire. Le Maître l'a bien compris : je suis un Voyageur et un Conteur, et il s'est toujours - étrangement - montré tolérant avec moi...


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