SEIGNEUR MINO

Age : 65 ans Profession : Samourai Caste : Buke Rang : Haut Métier : Samourai
Niveau : 5 XP : 850 ON : 3845 PdV : 61 CA : 15

Les terres du seigneur Mino

Historique :

Je ne crois pas que vous puissiez imaginer le poids que peuvent représenter 20 générations d'illustres ancêtres. Pour cela, il faudrait que l'histoire de votre famille remonte à plus de 300 ans, comme la mienne...

C'est une charge énorme qui m'a pourtant échu lorsque je suis né dans cette pagode il y a 65 ans, premier fils de mon père alors lui-même héritier du titre.

C'était une époque troublée, le Shogun ne savait pas se faire respecter et les Daimyos se livraient à la guerre aussi librement qu'ils le désiraient. Les alliances se nouaient et se dénouaient au fur et à mesure des victoires et des défaites. La vie à la pagode était exaltante pour un enfant comme moi qui voyais mon père et mon grand-père partir à la tête de leurs fiers guerriers dans leurs armures chamarrées, puis je me précipitais en haut des remparts pour regarder la longue file d'étendards qui proclamaient la puissance de notre armée. Pendant ce temps j'apprenais tout ce qui ferait de moi un Samouraï, assimilant patiemment l'Histoire glorieuse de notre Famille, découvrant le maniement des armes et régnant sur la petite cour de mes compagnons de jeu en imitant mon grand-père lorsqu'il siégeait.
Les souvenirs les plus vifs que je conserve de cette époque sont les longues soirées qui avaient lieu au retour des guerriers, quand les plus valeureux d'entre eux venaient conter leur exploits devant la cour toute entière. Le soir, je m'endormais en rêvant du temps où je me joindrais à eux sur le champ de bataille qui me verrait devenir le guerrier sans pareil que je voulais être. Je ne pensais pas à la mort à cet âge-là, ou plutôt, c'était le destin tragique et mystérieux qui était réservé à nos ennemis mais ne pouvait toucher ceux de ma famille.

J'avais 9 ans quand on vint me chercher pour être reçu par le seigneur Mino afin qu'il soit connu de tous que j'étais son héritier. J'avoue avoir mis du temps à réaliser que la mort avait enfin frappé à notre porte et était repartie avec l'un des miens. On m'apprit que mon grand-père avait rejoint nos ancêtres dans des circonstances que je ne connus que plus tard.
Je m'efforçais de masquer la confusion dans laquelle me jeta la disparition de cet homme volontaire, prompt à la colère comme au pardon mais juste dans ses jugements, aimant ses proches à sa façon bourrue ; de ce guerrier accompli qui partait au combat le coeur léger et le sourire aux lèvres ; de ce Daimyo équitable et soucieux de préserver l'héritage de ses ancêtres pour sa descendance en ces temps où survivre était une gageure.

A partir de ce jour où mon père devint le seigneur Mino, ma vie changea brutalement.
Si jusqu'à présent j'avais pu vivre l'enfance de tout fils de Samouraï, j'étais devenu l'hèritier, formé pour un jour succéder à mon père à la tête de la famille, destin cruel qui vous force à attendre la mort d'un être cher pour faire ce à quoi vous avez été préparé.
Quant à mon grand-père, j'appris plus tard qu'il était tombé dans un piège tendu par un Daimyo ambitieux qui avait profité d'une réunion de paix pour éliminer ceux qui se trouvaient sur son chemin. Nous ne dûmes de connaître l'identité du meurtrier qu'à l'initiative de mon grand-père qui ordonna à mon père de partir avec une forte escorte, ne gardant pour lui que les Atamotos les plus fidèles à sa personne. La seule faille du plan de ce félon fut de ne pouvoir empêcher des survivants de fuir, car mon père ne fut pas le seul à vivre.

Les familles affligées trouvèrent dans leur peine commune le ciment d'une alliance qui se voua à détruire le clan responsable de leur malheur. Pendant 10 ans, la guerre continua sans que personne put dire qui avait l'avantage.
Je pris part à quelques batailles où je me comportais honorablement, réussissant à m'illustrer à quelques reprises. J'étais un bon combattant, maniant les armes avec dextérité, donnant plus de coups que je n'en recevais ; tout en apprenant à diriger une armée sur le terrain.
Je vivais l'insant présent avec l'insouciance et la vitalité de ma jeunesse, prenant mon plaisir où il se trouvait : sur le champ de bataille, dans les bras de ma compagne du moment, dans la sérénité d'un paysage au clair de lune... Jamais je ne fus plus proche de mon père que durant cette guerre où nous combattions côte à côte, unis par le désir de vaincre et de venger mon grand-père afin qu'il puisse reposer en paix. Bien que sachant se battre, mon père était un poète dans l'âme qui déplorait que tant de vies soient perdues, mais il trouvait dans l'exaltation qui précède la bataille une inspiration qui lui permit d'écrire quelques-uns de ses plus beaux vers.

Puis vint le temps pour moi de me marier avec celle qui m'était promise depuis des années : Kachiko la fille d'un allié de longue date. Elle était d'une beauté rare, son teint clair et ses yeux noirs m'éblouisssaient alors que sa voix douce et son rire cristallin mettaient une touche de gaieté et de grâce dans l'austérité guerrière de notre demeure.
Je la vis peu à cette époque du fait de la guerre qui faisait toujours rage. J'aime à croire que ce mariage était béni car ensuite, peu à peu, nous prîmes le dessus sur nos ennemis au cours des 3 ans qui suivirent.

Peu de temps après mes 23 ans, il fut décidé d'en finir avec les félons en donnant l'assaut de leurs places fortes lors d'une campagne audacieuse. Nous ressortîmes victorieux des combats, éradiquant enfin ce clan, rasant leurs forteresses et dispersant leur armée mais mon père laissa la vie au cours du duel qui l'opposât au traître. Il fut décidé entre les vainqueurs d'effacer de nos archives toute trace de la famille vaincue afin de la faire sombrer dans l'oubli.

Ce fut une année chargée en événements pour nous et toute la presqu'île : mon père décède, faisant de moi le chef de la famille à l'honneur retrouvé, et l'Empereur nomme un nouveau Shogun.
L'Empire est exangue après 15 ans de guerres incessantes, les seigneurs n'ont presque plus d' armées à quelques-uns près, les Yakusas sont partout dans les campagnes et les villes.
Le Shogun réussit à maintenir une paix précaire qui permit aux seigneurs de se consacrer à leurs terres. Je ne fais pas exception en cherchant à garantir la sécurité et la prospérité de mes terres ancestrales. Contrairement à certains seigneurs qui voulaient à tout prix reconstituer leurs armées, j'ai préféré faire confiance aux vétérans pour former l'ossature des forces qui feraient respecter ma loi dans la province et recruter des hommes de valeur, comptant sur leur expérience plutôt que sur leur nombre. Du point de vue économique, la situation n'était guère brillante : les impôts ne rentraient qu'au compte-gouttes, les campagnes étaient dévastées, la main d'oeuvre manquait partout, nos maigres réserves nous faisaient redouter une reprise des conflits ou de médiocres récoltes.
On me compara souvent avec mon père, vantant la clairvoyance de sa gestion pendant les rares trêves, louant ses qualités de meneur d'hommes et de tacticien, admirant la retenue et la diplomatie qu'il mettait dans tous ses actes, citant à tout bout de champ un poème ou une sentence de lui...
Il n'était pourtant pas si loin le temps où il était question de couardise, d'indécision et où on se gaussait de ce "vernis de culture efféminé qui sied mieux aux mignons de certains qu'au Seigneur Mino". Je haïssais ce fantôme admirable et parfait qui regardait par dessus mon épaule, jaugeant chaque parole, pensée ou acte dans ses incompréhensibles balances. C'était la première fois que je ressentais avec une telle force le poids de mon héritage.

Au bout de quelques mois, mes conseillers me firent part du premier bilan de ma politique : il ne fallait pas compter renflouer nos réserves d'or ou de nourriture cette année-là et notre armée, si elle faisait envie de part la qualité de son équipement et des hommes qui la composait, amenait un sourire amusé ou calculateur aux lèvres de l'interlocuteur selon la proximité de nos terres.
On disait alors que seules l'armée du Shogun et la Garde Impériale étaient mieux équipées et qu'en dehors de ces dernières, peu d'autres pouvaient se vanter de compter sur des soldats si expérimentés. La conclusion était, hélas, évidente : nous étions vulnérables à tout point de vue et il nous faudrait plusieurs années avant d'espérer retrouver la puissance qui était la nôtre au début des guerres.
Nous n'étions pas les seuls dans cette situation et je trouvais là une maigre consolation, assuré que personne ne disposait des ressources nécessaires à une campagne qui pourrait nous anéantir. On estimait à 5 ans la période pendant laquelle régneraient misère, famine, maladie et les différents démons qui avaient trouvé refuge dans les Monts Ida.

C'est une nouvelle guerre qui commença alors, contre tous ces fléaux qui s'abattaient sur nous qu'ils soient visibles ou non, où chaque jour était une victoire pour les vivants. Une victoire amère pourtant, comme souvent, car les bûchers funéraires s'élevaient partout dans Shinkatsu, si souvent que vous ne pouviez poser le regard quelque part sans en voir un.
Chaque naissance était célébrée avec tout l'espoir que cette nouvelle vie faisait naître et aussi l'appréhension de voir cette vie s'arrêter bientôt. Les épidémies faisaient des ravages parmi les enfants et les vieillards, affaiblis par une nourriture insuffisante, et ce sans distinction de classe. Nous avions de sérieux problèmes du fait du nombre important de marchands qui passaient par la province et nous apportaient, au milieu de leurs indispensables produits, toutes les maladies qui sévissaient sur la presqu'île.
Les bakemonos représentaient un autre problème de taille. Leurs raids incessants nous coûtaient cher, que ce soit en hommes ou en nourriture. Ils avaient compris la détresse où nous nous trouvions et comptaient bien en tirer quelque profit. L'armée comptait trop peu d'hommes pour enrayer cette invasion à sa source, se concentrant sur la protection des agglomérations les plus importantes et de leurs environs. Les populations des campagnes plus reculées ne pouvant compter quasiment que sur elles-mêmes pour leur défense et leur subsistance, payèrent un lourd tribu d'or et de vies à leur isolement.
Les Yakusas qui s'étaient installés là où ne pouvait aller l'armée faisaient payer cher leur protection, abandonnant ceux qui ne pouvaient satisfaire leurs exigences.
C'est dans ce climat d'abattement et de résignation que les jours, les semaines puis les mois et les années se succédèrent et ce ne furent non pas 5 mais 10 ans que dura ce calvaire.

Puis les Dieux, peut-être lassés de voir souffrir l'humanité, accédèrent à nos prières. Le premier signe de la fin de nos épreuves fut le nombre décroissant de malades dans la province et dans la prequ'île. Peu à peu nous parvinrent des nouvelles d'endroits de plus en plus lointains : les Daimyos ouvraient leurs frontières de nouveau, les marchands n'étaient plus des "porteurs de peste" mais des braves ayant survécu aux dangers d'un long périple pour apporter marchandises et nouvelles d'un monde dont on était souvent coupé depuis des années.
En quelques mois à peine la presqu'île fut débarrassée des épidémies qui l'avaient si dûrement touché. Une sorte d'exaltation s'empara de nous tous, sentiment répandu et soutenu par les moines qui répétaient à qui voulait l'entendre que Bouddha était serein quant à notre avenir. Portés par cette assurance de succès à venir, nous entreprîmes de reconquérir les terres abandonnées aux démons et aux hors-la-loi.
Des campagnes s'engagèrent un peu partout et Shinkatsu retentit une fois encore du fracas des batailles qui se livraient pour sa possession. Chose exceptionnelle, tous les Daimyos luttaient contre un même ennemi dans un but commun. Malheureusement, chacun affrontait démons et brigands de son côté, les refoulant hors de chez lui au fur et à mesure de ses victoires et les envoyant tout naturellement chez ses voisins qui faisaient de même avec les bandes opérant sur leurs terres. L'évident besoin de coordination des opérations fut à l'origine d'un vaste échange non pas de diplomates mais d'officiers d'état-major entre voisins sur la quasi totalité de la presqu'île. Toutefois, certains Daimyos mirent un peu plus de temps à comprendre la nature de la situation, l' histoire veut même qu'un Seigneur particulièrement obtus repoussa 11 fois la même horde de bakemonos avant de réaliser le ridicule de la situation et de procéder à ces échanges d'officiers que des voisins désespérés lui réclamaient depuis bientôt deux ans.

"La Guerre de la Reconquête", ainsi qu'on devait l'appeler, ne dura que peu de temps à partir du moment où les Seigneurs s'entendirent pour mener leurs campagnes, laissant de côté les vendettas qui pouvaient les opposer. Ces quelques mois sont aujourd'hui considérés avec raison comme un âge d'or du Samouraï où gloire et honneur pleuvaient tels une manne célèste sur les guerriers de toutes les Maisons.
Une fois les bandes de hors-la-loi et de démons repoussées vers les plus arides sommets ou les plus profondes forêts, chacun rentra chez lui, se félicitant de la bonne fortune qui lui avait permi d'évaluer sur le terrain la qualité et la quantité des troupes de ses voisins tout en aguerrissant les siennes. Le plus remarquable de tout ceci fut que personne ne se lança dans une campagne, même si quelques "incidents frontaliers dûs à une mauvaise interprétation des ordres" entachèrent la bonne entente générale.
Pour la première fois de l'Histoire connue de Shinkatsu, des conflits avaient éclaté dans toute la presqu'île sans que les frontières des différents Domaines n'en soient boulversées, les seules terres ayant changé de mains étaient des présents ou des échanges politiques.

Dans ce cortège de nouvelles de toutes sortes survint l'évènement que j'attendais depuis 20 ans : un héritier était né qui allait assurer la pérénité du glorieux nom des Mino. Mon premier fils était né !
Durant deux semaines, la province toute entière célébrait avec moi la naissance de Tamori-No-Giffu Mino qui deviendrait, si les Dieux lui donnaient de vivre jusque là, le Seigneur Mino après moi. A la pagode, les cérémonies et les festivités se succédaient à un rythme effréné, invités et présents arrivant sans discontinuer de toutes parts. Ce fut aussi l'occasion pour moi de retrouver les alliés de ma Famille et de renouveler avec eux les alliances du passé.

Puis la vie reprit son cours et la paix s'installa pour ce qui semblait être des siècles sous l'oeil vigilant du Shogun qui réglait rapidement toute véléité de conflit. Il fut pourtant pris de vitesse par un Rônin nommé Teda qui se tailla un domaine et mit tout le monde devant le fait accompli. Depuis, personne n'a pu prendre en défaut le Shogun ou son successeur et il faut voir là une volonté commune de redévelopper une économie saine dans un Empire de nouveau sûr.

20 ans ont passé et la paix nous paraissait enfin promise quand un homme étrange se faisant appeler "le Premier" fit son apparition. Son arrivée et le réveil de vieilles querelles ne me semblent pas de bon augure pour la sérénité de l'Empire mais je suis confiant, le Shogun saura remettre tout cela en ordre, mon fils à ses côtés comme je me suis tenu aux côtés de son prédécesseur.

Aujourd'hui, je suis las du fracas des batailles et du murmure des intrigues mais que l'on ne s'y trompe pas, je suis et je resterai jusqu'à mon dernier souffle Seishiro-No-Giffu Mino, Daimyo de ces terres et héritier d'une histoire de plus de 300 ans écrite par 20 générations d'illustres ancêtres.


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